A Paris, le débat autour de la piétonnisation des voies sur berges de la rive droite s’envenime et tourne désormais à la bataille de chiffres. Le comité régional de suivi et d’évaluation mis en place par la présidente d’Ile-de-France, Valérie Pécresse (LR), a publié, jeudi 17 novembre, un rapport d’étape qui fait état d’une forte aggravation de la circulation dans Paris et en banlieue et qui conteste les données communiquées par la maire de la capitale, Anne Hidalgo, fin septembre.
« Les hausses des temps de transport liées à la fermeture des voies sur berges sont beaucoup plus importantes que celles qui sont données par la Mairie de Paris et surtout cette fermeture impacte les banlieues et des populations auxquelles personne n’a pensé », a dénoncé, jeudi matin sur Europe 1, Valérie Pécresse, citant « l’A86 à Créteil [Val-de-Marne], à Vélizy [Yvelines], le périphérique, des voies sur lesquelles il n’y a pas eu d’enquête publique ».

Sur le périphérique, le comité régional enregistre de lourdes congestions surtout à l’ouest, entre la porte de Saint-Cloud et la porte d’Orléans : pour parcourir ce tronçon, déjà saturé aux heures de pointe, il faut quatre minutes de plus le matin et le soir (soit 22 mn contre 18 mn en septembre 2015).

Plus loin hors de Paris, il souligne une dégradation de la circulation sur l’autoroute A86 notamment entre Thiais et Créteil, tronçon sur lequel le temps de trajet s’élève aujourd’hui à 11 mn (+ 28 %) le matin et à 14 mn (+ 22 %) le soir. Ou encore entre Vélizy et Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) où la durée du parcours atteint 12 mn (+16 %) le soir.

La Ville de Paris n’a pas recueilli de données sur les parcours éloignés de la capitale. Maiselle conteste formellement l’analyse de la région. « Les axes actuellement perturbés le sont pour des raisons exogènes aux berges de Seine, comme des travaux de voirie conduits par d’autres collectivités », soutient Christophe Najdovski, adjoint (EELV) à la maire de Paris chargé des transports.

Pas les mêmes données

Intra-muros et dans le périmètre immédiat des voies sur berges, quoi que leurs chiffres diffèrent un peu, la région et la Ville enregistrent des hausses de trafic quasi similaires. Sur les quais hauts, le comité régional note une augmentation du trafic variant selon les sections de 33 % à 107 % aux heures de pointe du matin, et de 7 % à 95 % aux heures de pointe le soir. Quand en moyenne la Ville constate, elle, une hausse respectivement de 73 % et 13 %. Sur le boulevard Saint-Germain, la hausse du trafic, moindre, varie selon les tronçons de 27 % à 35 % le matin (41 % en moyenne d’après la Ville) et de 8 % à 15 % le soir (4 % en moyenne d’après la Ville).

Concernant les temps de parcours actuels sur ces deux axes, les données des deux collectivités convergent, mais leurs conclusions sur l’évolution entre septembre 2015 et septembre 2016 sont très différentes. La région présente des écarts de temps beaucoup plus importants que ceux de la Mairie de Paris. Quand cette dernière note par exemple un allongement de 39 % du temps de trajet sur les quais hauts le soir entre 2015 et 2016, la région affiche une augmentation de 74 %.

Ces écarts ont une explication. Les deux autorités ne se basent pas sur les mêmes données. La Ville s’appuie sur les trois premières semaines de septembre ; la région, sur la totalité du mois. Par ailleurs, les données collectées par le comité régional ont été restreintes aux mardis et jeudis, « journées les plus fréquentées de la semaine et les moins susceptibles de variations », justifie-t-il. Tandis que les données de la Ville sont une moyenne des cinq jours ouvrés.

« La région communique en pourcentages, se concentre sur des parcours réduits et sur les jours au plus fort trafic, pour cacher que le temps global de traversée n’est en réalité que très peu impacté et qu’elle ne parle chaque fois que de quelques minutes d’allongement du temps de trajet. Cela relève de la désinformation », considère Christophe Najdovski.

L’aire d’analyse du comité régional ne s’arrête pas à ces deux principaux axes de report, et s’étend à toute la ville. Il apparaît ainsi qu’un nombre non négligeable d’automobilistes a, dès septembre, changé d’itinéraires.

 « On observe une redistribution du trafic sur Paris. Il est difficile de mesurer si cela est exclusivement lié à la fermeture des voies sur berges, mais le fait est que certains axes, parfois éloignés des voies sur berges – rue de la Convention, rue Lafayette, les Grands Boulevards… –, enregistrent une augmentation notable des débits journaliers », relève-t-on à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France, qui assure la rédaction des rapports du comité régional.

« Il y a d’incontestables ralentissements de circulation à certaines heures et sur certains points, dans Paris comme en banlieue, mais ces difficultés ne s’éloignent pas significativement des variations de temps prévues dans l’étude d’impact du projet », relève le préfet de police, Michel Cadot, qui réunira le 12 décembre le comité de suivi qu’il s’est engagé à présider. Organismes de contrôle de la qualité de l’air, du bruit, représentants de la Ville, de la région, du Grand Paris, départements, acteurs économiques et représentants des usagers y confronteront leurs données.