Il n’y a pas de peuple alsacien », affirmait Manuel Valls en octobre 2014. Prononcée lors de la réforme territoriale, cette phrase a choqué jusqu’en Bretagne. « J’ai trouvé ça très violent !, se souvient Stéphane Domagala, trentenaire originaire d’Erquy, le village qui a inspiré Astérix à Uderzo. Pour me calmer, j’ai créé l’ANH. » Derrière ce sigle, qui signifie Association des nations de l’Hexagone, se cache un projet qui se veut ambitieux : aider les Alsaciens, Bretons, Corses, Savoisiens et « autres minorités nationales » répondant à ladéfinition du droit international « à accéder à la reconnaissance et à l’autodétermination ». « Ce statut implique une reconnaissance officielle des cultures et langues régionales ainsi que la restauration d’institutions permettant de voter les décisions pour nos territoires », explique le jeune homme.

Faisant fi des avertissements du premier ministre, qui a prévenu qu’il s’opposerait « avec la plus grande détermination à ce que tout projet vise à défaire notre pays et la nation », cet irréductible Gaulois a prévu de serendre les 24 et 25 novembre au 9e Forum des questions relatives aux minorités organisé par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. Ce n’est pas une première pour lui. L’an passé, dans un hémicycle boudé par les parlementaires le temps de son allocution, Stéphane Domagala avait évoqué le cas de la Bretagne, qu’il estime « particulièrement représentatif de la difficulté de la France à gérer ses minorités ».

Pas d’animosité antifrançaise

Cette année, l’homme compte profiter de son temps de parole (trois minutes multipliées par le nombre de sous-thèmes affichés à l’ordre du jour) pour glisser son intention de lancer une procédure judiciaire contre la France si le prochain gouvernement refuse d’entamer des négociations. Lubie ? David Rajjou, avocat consultant auprès de l’association, se dit confiant : « En 2006, la France a voté la création du Conseil des droits de l’homme, qui organise ce forum, et autorisé la ratification de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, laquelle mentionne très clairement le droit des personnes appartenant à des minorités. Sur le plan européen, la France est le seul pays à n’avoir ratifié ni la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ni la convention-cadre pour la protection des minorités nationales. »

Le secrétaire de l’association, Sébastien Orsu, tient à jouer cependant la carte de l’apaisement. Si l’ANH a pour vocation de faire reconnaître ses minorités nationales, sa démarche est dénuée, assure-t-il, d’animosité antifrançaise : « Nous rassemblons des militants se réclamant de l’écologie, du régionalisme, de l’autonomisme ou du séparatisme, pour lesquels le terme “nation” n’est pas un gros mot ! Mais nous tenons à nousdémarquer des nationalismes guerriers et puants du XXe siècle. » En participant pour la deuxième fois à ce forum onusien, la jeune association cherche à envoyer un message plus politique que juridique à l’État français. À bon entendeur ?
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